Hotaru - U.C

Hotaru est né il y a 19 ans, au coeur du Shin-yu de Ro-o-ha, accompagné de son frère jumeau, Kagero. Le luxe de la maison aurait pu faire penser à une prestigieuse maison, appartenant à un illustre protecteur de l'Empire, mais il n'en était rien. Il y a bien peu de naissances dans les Quartiers des Perles. Lui et son frère jumeau étaient nés dans une maison de prostituées. Il serait difficile de savoir si leur mère fut soulagée ou inquiète de mettre au monde deux garçons. D'un côté, elle pouvait ainsi espérer qu'ils ne vivent pas la même existence qu'elle, et qu'ils ne tomberaient jamais enceinte d'un client. De l'autre côté, elle était une Oiran. Ses clients n'étaient pas n'importe qui, mais les hommes les plus nobles et prestigieux de l'Empire. Quel avenir auraient ces enfants ? Quelles joies connaitraient-ils, et quels malheurs ?

Deux enfants nés d'une Oiran dans une des maisons de prostitués les plus prestigieuses de la Capitale. Deux enfants élevés au milieu des femmes de joie, toutes conscientes de la fragilité de leur quotidien. Quand viendrait-il, cet homme inconnu que l'Oiran refusait de nommer ? Quand viendrait-il chercher ses deux enfants bâtards, pour les élever avec les siens ? Pourquoi refusait-elle ainsi de dévoiler son identité ? Tous avaient des soupçons, bien sûr. Elle n'avait pas une clientèle très diverse, et n'avait jamais montré d'intérêt à un homme qui ne soit pas son client. C'étaient de riches Samurai, des grands Daimyô, ou peut-être, disaient les rumeurs, avait-elle mis au monde quelques petits princes ? Ce fut un secrêt qu'elle garda jusqu'à sa mort.
Quelques années seulement après leur naissance, sa santé déclina. Elle se fit moins belle, moins adroite. Et la femme si prestigieuse qui faisait la renom de cette maison, qui était si belle, si douée, si agréable, si cultivée... cette femme commença à disparaître, courbée sous la fatigue, la maladie. Puis sa lumière s'éteint.

Hotaru et Kagero héritèrent de la dette de leur mère. Les médicaments pour sa vie déclinante, les soins, le logement. Ils commencèrent également à creuser la leur : logement, nourriture, éducation. Trop jeunes, ils ne pouvaient vraiment avoir conscience de ce que cela impliquait pour leur futur. Ils appartenaient à la maison où ils étaient nés, jusqu'à-ce qu'ils aient remboursé leurs dettes. Ce serait difficile, et long. Mais les jumeaux avaient hérité de la beauté de leur génitrice, et le reste de la maisonnée n'avait aucun doute : ils auraient du succès. Ils rembourseraient leur dette, petit à petit, devenus adultes. Ou leur père viendrait les chercher et paierait pour eux. Ils étaient un investissement pour la maison.

Leur enfance ne fut pourtant pas malheureuse. Ils étaient convenablement vêtus, logés et éduqués. Ils avaient accès au Quartier des Perles pour s'y amuser, et une maison entière où ils étaient censé vivre et demeurer, de l'autre côté du jardin de la maison de prostitués où ils étaient nés. Ils y avait d'autres jeunes avec qui s'amuser, notamment les jeunes kamuro qui venaient d'arriver, et qu'ils pouvaient prendre sous leurs aîles. Kagero était une tête brûlée, toujours actif, toujours en train de chercher les ennuis. Hotaru était bien plus mesuré, effacé. Il admirait son frère, bien entendu - qui n'admirait pas son frère ? Il était une force tranquille, parfois vacillante. Contrairement à son frère, il sembla avoir hérité de la santé fragile de leur mère, et il était souvent malade, reclus dans sa chambre. Il passait là de longues et frustrantes journées, allongé sous une couverture bien chaude, à boire du thé et à écouter les bruits de couloirs. Plus ils grandissaient, plus l'indomptabilité de Kagero et la santé déclinante de son frère semblaient poser problème. Et plus Hotaru comprenait que leur vie ne serait pas si simple encore longtemps.

D'enfants, ils devinrent adolescents, et la petite vie presque stable et tranquille d'Hotaru s'effondra. Il avait été malade, fiévreux, et avait tenu le lit pendant des jours. Et quand il émergea de cette torpeur, alors qu'il buvait une tisane revigorante, la mère vint le voir. Elle vint le voir pour lui annoncer que son frère s'était enfui, le laissant derrière. Qu'il l'avait abandonné. Et qu'il était désormais le seul à pouvoir rembourser ce que leur éducation avait coûté, et continuerait à coûter. Il resta digne et silencieux face à la mère. Il hocha lentement la tête. Elle avait toujours espéré léguer sa maison à leur génitrice, une Oiran si fameuse. Leur naissance avait tout gâché. Et maintenant, elle perdait un des jumeaux, et l'autre était faible et malade. Elle était furieuse. Il était triste. Et seul.
Quand elle le laissa, dans cet appartement qui était le sien, il ne su rien faire d'autre que pleurer à chaudes larmes.

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