Chisei - Lost Flower

Chisei n'a pas eu une enfance malheureuse et déchirée, bien au contraire. Elle est née il y a 23 ans, au printemps, au sein du Palais Impérial, entouré d'une famille aimante et de toutes sortes de richesses. Son père descendait de l'illustre famille royale de Yao, dont les rares descendants survivent sous la coupe de la famille impériale. Sa mère était une native de l'Empire, issue d'une bonne famille. Ses parents s'aimaient, et Chisei appréciait sa vie tranquille au palais. Depuis la fin de leur royaume, sa famille a survécu. Le nom des Parledor n'était plus que murmuré, mais ils subsistaient, là, dans l'ombre, sous la protection de l'Empire. Elle grandit ainsi dans le Palais Impérial, profitant de nourriture abondante, d'esclaves serviables, des meilleurs précepteurs et d'un confort de vie inestimable.

Elle vécut dans un environnement protégé et clos, apprenant l'histoire, la géographie, la littérature, l'art, et tout ce qui lui était possible de connaître. Elle accumula ainsi, au cours de son enfance et adolescence, toutes les connaissances et relations qu'elle pouvait. Elle connaissait le nom des grands dignitaires du pays, elle savait où étaient cultivés ces délicieux mets qu'elle mangeait chaque jour. Elle apprenait. Elle n'avait pas de responsabilités comme le jeune prince ou les enfants des daimyô, ni d'avenir professionnel. On n'attendait rien d'elle, rien de particulier. Mais ses petits yeux d'enfants se posaient sur toutes ces choses abondantes et brillantes, et son esprit apprenait la grande histoire de l'Empire, et plus elle grandissait, plus l'amour pour son pays grandissait avec elle. Elle avait bien l'intention de le défendre. De le protéger. C'était son pays.

Déterminée, elle s'atela à se forger une place dans ce palais. Elle apprit à connaître les personnes de son entourage, à savoir qui travaillait où, pourquoi, comment, et dans quel but. Elle attira quelquefois l'attention de celles et ceux qui lui étaient supérieurs, qui s'émerveillaient de cette petite si charmante, qui connaissait si bien tout le monde. Elle s'assura également la fidélité de ses serviteurs, dont elle connaissait le nom, la famille et le travail. Elle travaillait dur pour impressionner ses professeurs, et elle était si curieuse et si têtue qu'on la considérait tantôt comme une jeune fille brillante, ou comme une enquiquineuse.

Elle grandit encore, et elle apprit bien vite que toutes les décisions de ce monde sont prises parce que les gens ont envie de quelque chose ; le désir, voilà ce qui faisait tourner ce monde. Certains veulent protéger leur famille, certains veulent prospérer, certains se battent pour l'honneur, d'autres pour le prestige, par plaisir. Et quiconque pouvait savoir, pouvait manipuler. Et c'était bien ce qu'elle comptait faire : tirer les ficelles. Elle voulait être indispensable à chacun, pour que chacun ait l'air indispensable à elle. Elle voulait obtenir la confiance des autres, et être toujours au courant de ce qui se passait dans l'Empire.

Petit à petit, ses talents se révélèrent utile. Elle apprit quelques secrets bien embêtants, elle fit chanter les uns et les autres, elle satisfaisait les envies de certains, et son influence grandit. Elle grandit tant que, lorsque le jeune Prince devint l'Empereur, lui qui avait partagé son enfance avec elle, lui qui avait supporté ses caprices, il la prit à ses côtés : non pas comme concubine, mais comme conseillère officieuse, et comme diplomate. Elle se forgea une réputation de femme aimable et agréable, mais qu'il ne fallait pas trop agacer tout de même. Chisei croyait aux secondes chances, pas aux troisièmes. Certains l'apprirent à leur dépends.

Les autres savent, maintenant, que si l'Empereur envoie la jeune Chisei à leur porte, c'est qu'ils ont sûrement quelque chose à se repprocher. Ou qu'il a juste envie de leur faire peur.